Déc 10
18
Le 25 août dernier, Nicolas Sarkozy s’est rendu dans un petit village d’Indre-et-Loire où avait lieu la cérémonie en souvenir du massacre, le 25 août 1944, de 124 habitants par des soldats allemands. C’était la première fois qu’un président de la République répondait à l’invitation de ce village de venir commémorer avec lui ce drame longtemps oublié, survenu le jour même de la libération de Paris. Le chef de l’État a affirmé qu’en ignorant pendant soixante-quatre ans le massacre commis par les soldats allemands, la France avait «commis une faute morale». «C’est cette faute qu’au nom de la Nation tout entière je suis venu reconnaître et réparer aujourd’hui.», a ajouté le président. En septembre 2010, le Conseil d’administration de la Fédération Nationale André-Maginot, dont l’une des actions majeures concerne la préservation de la mémoire, a déposé une gerbe devant la stèle des martyrs de Maillé.
Que s’est-il donc passé à Maillé?
Été 1944. Les forces allemandes sont sur la défensive. À l’Est, elles cèdent du terrain face à l’Armée rouge, tandis qu’en Normandie, les Alliés finissent par avoir raison de leur résistance. En août, le débarquement en Provence puis la libération de Paris, le 25, laissent entrevoir la fin inéluctable de l’occupation nazie en France. Harcelées par la résistance intérieure, les troupes du IIIe Reich perdent pied et certaines d’entre elles vont se venger sur la population civile.
Ainsi, le 10 juin, les hommes de la division SS Das Reich s’en prennent à Oradour-sur-Glane et massacrent 642 civils. Quelques heures plus tôt, 99 habitants de Tulle avaient été pendus par des éléments de la même unité et 67 personnes exécutées à Argenton-sur-Creuse. Le 24 août, ce sont 68 civils qui sont tués par la 51e Brigade SS à Buchères, dans l’Aube.
Si les manuels d’histoire ont retenu les exactions commises par la division Das Reich, il n’en reste pas moins que d’autres villages ont subi la barbarie nazie, comme à Maillé, où 124 civils, femmes et enfants compris, en ont été les victimes.
Le 24 août 1944 au soir, des accrochages entre FFI et troupes allemandes en retraite ont lieu à proximité de la commune de Maillé. Le 25, une escadrille alliée bombarde à Maillé un convoi militaire et des pièces de DCA. Peu après, l’accès de Maillé est bloqué par les forces allemandes.
Dans la nuit, le sous-lieutenant Gustav Schlüster, du 17e bataillon SS, principal protagoniste de l’affaire, avertit la Feldkommandantur de Tours, parlant de terroristes à Maillé, et reçoit vraisemblablement l’ordre d’exercer des représailles.
Les allemands commencent le massacre dans les premières fermes puis pénètrent dans le village, poursuivent la tuerie et mettent systématiquement le feu aux bâtiments. Des hommes disposés autour du village empêchent les survivants de s’enfuir. Deux heures plus tard, une pièce de 88 pilonne le bourg, tirant 80 obus. Sur les 60 habitations que compte Maillé, 52 sont détruites.
Un quart des habitants du bourg, soit 124 sur 500, sont tués par balle, à l’arme blanche, au lance-flammes ou périssent dans les incendies provoqués par les tirs d’artillerie. Parmi les victimes, âgées de 3 mois à 89 ans, on dénombre 40 hommes, 42 femmes et 42 enfants.
Ce massacre aurait pu être oublié et ses auteurs rester inconnus. C’est un magistrat allemand, Ulrich Maass, qui s’est intéressé à ce cas et a ouvert, en 2004, une information judiciaire pour retrouver les responsables, afin de les poursuivre pour crime de guerre. Fouillant dans les archives, le magistrat a pu identifier un grand nombre de soldats et le sous-lieutenant SS Gustav Schlüster, qui était bel et bien connu pour son rôle dans cette affaire puisqu’il avait été condamné à Bordeaux, en 1952. Cependant, il n’a guère été inquiété par la suite et a ainsi pu finir ses jours en Allemagne, en 1965.
Jean-Pierre Marcellin